Par souci de compétitivité sur des projets numériques d’envergure, de nombreuses entreprises adoptent ce qu’on appelle la « livraison continue » qui consiste en un déploiement rapide des nouvelles fonctionnalités. Cette cadence rapide peut présenter des risques pour le référencement naturel. Comment prévenir les régressions SEO grâce à l’automatisation de tests ? Voici quelques pistes à explorer.
Les processus d’intégration continue (CI) ou déploiement continu (CD) se décomposent en plusieurs étapes : construction ou rédaction du code, validation des commits, tests et mise en staging. Ces workflows sont nés dans des contextes agiles, une culture DevOps. Ces approches autorisent volontairement le fail fast afin de pouvoir vite s’améliorer, et donc atteindre le succès plus rapidement.
Mais ne me faites pas dire ce que je n’ai pas écrit ! Ce n’est pas parce qu’une équipe fonctionne en mode agile qu’elle a plus de chances de détériorer le SEO. En revanche, c’est dans un contexte plutôt mature (et bien staffé) autour d’un produit numérique que les enjeux SEO ont plus de chances d’être intégrés dans les processus de contrôle. Et c’est ce qui nous intéresse dans cet article.
Les régressions SEO ou le cauchemar des référenceurs
Si vous travaillez sur des projets SEO, il y a de fortes chances que vous ayez déjà connu les joies des bugs, erreurs et dégradations inopinées du référencement naturel, après modifications ou ajouts de fonctionnalités. Le cas le plus désolant pour le référenceur est certainement celui où les problèmes sont détectés bien après coup, alors que les « mauvais résultats » se font déjà sentir. En plus, cela se poursuit généralement en « chasse aux sorcières ». Top, l’ambiance. Et il n’y a plus qu’à corriger et attendre que Googlebot daigne prendre en compte les modifications.
Détection classique des régressions SEO
- En mode « exploratoire », lorsqu’un audit SEO est effectué, ou même par hasard ;
- Parce que des KPI se sont dégradés (indexation, positions, fréquentation, ventes…).
Exemples de régressions techniques SEO
- Un backoffice permet aux utilisateurs (« éditeurs », « contributeurs »…) de ranger des contenus, par exemple des pages de Produits ou Articles, dans de nouvelles Catégories ou Rubriques. Or les URL de ces contenus pourraient être construites à partir de ces informations. Question : que se passe-t-il sur le site Web quand ces manipulations sont réalisées ? Les URL changent-elles ?
- Votre équipe en charge de l’infrastructure a décidé de changer de stack technique pour diverses raisons légitimes : sécurité, coûts, performances, etc. Or certaines de vos pages d’erreurs étaient gérées côté serveur. Question : que se passe-t-il dorénavant quand vous appelez une ressource censée répondre en 404, 410 ?
- Suite à une étude utilisateur, l’équipe produit a conçu un nouveau système de recherche avec filtres, pour faciliter la navigation dans un catalogue. Or cette fonctionnalité engendre la création de nouvelles URL avec requêtes (« paramètres »). Question : que se passe-t-il en terme d’exploration et d’indexation par les robots des moteurs de recherche ?
Imaginez vos protocoles de tests SEO personnalisés
Posez sur le papier tout ce que vous aimeriez pouvoir vérifier, dans un monde idéal. Dans cet inventaire, essayer de trier par criticité et niveau de complexité. En effet, il faudra faire des choix, car vos tests SEO devront être traduits en lignes de code, rapides à effectuer pour rester efficaces. Ils ne vont pas remplacer toute la chaîne de production, ni le référenceur d’ailleurs. Pensez « KISS » (Keep It Simple, Stupid).
Les tests SEO prioritaires ou critiques
- Ils concernent l’indexabilité, l’absence de « facteurs bloquants » au référencement ;
- Ils peuvent aussi concerner d’autres configurations pour les moteurs, telles que déclarations des URL canoniques, les métadonnées ou les Sitemaps XML, entre autres.
Les tests SEO secondaires
- Ils peuvent concerner la performance Web, tels que les signaux Core Web Vitals et les indicateurs fournis par PageSpeed Insights ;
- On peut imaginer tester l’affichage de certains contenus ou de liens sur des pages très importantes, ou même l’intégrité d’un rendu HTML.
Il existe différents niveaux de tests qui se complètent
Les tests d’applications relèvent de la compétence des développeurs. Il existe différents niveaux de complexité et granularité aux tests logiciels. Les développeurs vont s’appuyer sur différents outils du marché pour construire des tests ; on peut citer par exemple Jest, Selenium ou Mocha.
Idées de tests « simples » utiles au SEO
En développement, il y a les tests unitaires qui servent à vérifier le bon fonctionnement d’une partie très précise d’une application. Dans une optique SEO, on pourrait déjà s’attacher à vérifier la validité de petits éléments ou modules essentiels, comme par exemple :
- La présence ou non du fichier
robots.txtà la racine (il répond en HTTP 200) ; - L’accès possible ou non au site par les robots des moteurs de recherche (pas de rejet du
User-agentou des plages IP concernées) ; - L’absence d’instruction « noindex » à destination des robots dans les métadonnées, entêtes HTTP.
Idées de tests de type « intégration » pour le SEO
Dès que vous souhaitez ajouter des informations de contexte à vos analyses, il peut s’agir de tests dits d’intégration. Ces tests servent à vérifier que les informations sont toujours correctement restituées. Ils permettent de savoir si vos optimisations SEO fonctionnent bien dans l’ensemble ou de s’assurer que le contenu de balises importantes n’a pas été altéré :
- Le contenu des balises
<title />doit correspondre à la spécification souhaitée par le SEO, qui peut être une règle dynamique ou un contenu stocké en base ; - Le contenu des
<meta name="description" />ou autres métadonnées, spécifié aussi par le SEO, qui peut reposer sur des règles automatiques ou de la contribution manuelle. Ou bien, la balise peut être voulue absente dans certains cas ; - Le contenu des balises
<link rel="canonical" />dont les URL ne doivent pas embarquer des requêtes de tracking, par exemple. Pour ma part, les spécifications liées aux URL canoniques font partie parfois des plus longues que je documente, selon la complexité du site ; - Présence, contenu et validité des données structurées Schema ;
- Évolution, suppressions ou ajouts de balises de hiérarchisation
<hn />.
On peut imaginer un très grand nombre de cas de figure. Vous n’avez pas besoin de couvrir l’ensemble de votre site de tests SEO systématiques : il est important de vous focaliser sur des fonctions importantes, qui ont beaucoup de valeur pour le SEO et donc pour le produit.
Pour vous lancer, vous pouvez lister un TOP de pages très importantes, ou encore vous concentrer sur des type de pages. Faire des tests sur des gabarits fonctionne généralement assez bien et permet de couvrir beaucoup de cas avec peu d’efforts.
Se constituer une équipe d’ambassadeurs SEO
Une fois votre plan de tests SEO dessiné, vous allez pouvoir le présenter à des ambassadeurs. Il s’agit d’identifier les personnes qui sont redevables de la qualité produit fini, de ses performances. Ces interlocuteurs sont de facto intéressés par l’intégration de vos protocoles de vérification dans leurs routines. Il peut s’agit d’un responsable technique, d’un spécialiste DevOps, d’un référent qualité au sein de votre organisation ou d’un Product Owner. Ils vous donneront des retours très concrets sur la faisabilité de vos tests SEO dans l’environnement en question. Ils sauront vous conseiller sur la meilleure façon de les mettre en œuvre au sein de votre organisation.
Utiliser des outils tiers pour monitorer les régressions SEO
Il existe des outils sur le marché qui permettent de lancer des audits ponctuels ou réguliers, de recevoir des notifications en cas de modifications de paramètres SEO. L’avantage est qu’ils ne nécessitent pas l’intervention d’équipes de développement pour la mise en place.
Mais ces outils sont souvent exploités à titre plus confidentiel. Ils permettent de suivre l’évolution de KPI de santé d’un site déjà en production ou effectuer un audit à un instant T. Ils sont décorrélés des process d’intégration continue. Cependant, ils peuvent être une première étape avant la mise en place de tests intégrés qui sécurisent le produit sur le long terme.
Quelques exemples d’outils de monitoring ou alerting SEO
| Nom de l’outil SEO | Spécificités |
| Oseox | Créé par Aurélien Bardon, conçu pour tester des éléments SEO à fréquence rapprochée sur un site « en ligne ». Il envoie un email en cas d’anomalie. lui arrive d’avoir des faux-positifs, mais globalement il est fiable et son rapport qualité-prix est très bon (système d’abonnement). Il est possible de regrouper les alertes d’une période donnée dans un seul email pour éviter la surcharge informationnelle. |
| Semrush, Ahrefs & Co | Les suites SEO du marché disposent généralement d’un module d’audit SEO avec un crawler que vous pouvez programmer, ce qui vous donne un score et une liste de soucis identifiés. C’est intéressant pour avoir quelque chose de visuel (une notation) et suivre son évolution dans le temps. Ces outils remplacent rarement un véritable audit technique SEO, mais ils peuvent aider à détecter des anomalies en production aisément. |
| Botify, Oncrawl & Co | Les outils d’audits SEO en mode SaaS disposent de fonctionnalités de tests très avancées avec génération de rapports. Ils offrent des données très fiables, mais souvent volumineuses à traiter. Il faudra donc essayer de ne pas vous y perdre, dans le contexte d’un monitoring régulier. Ils permettent de comparer des environnements de test et de production de façon sûre. Toutefois, ils nécessitent d’avoir un budget confortable. |
| Screaming Frog | Le célèbre logiciel d’audit SEO peut être configuré pour s’exécuter régulièrement depuis votre machine, en local. Vous pouvez imaginer restituer les données dans un Looker Studio pour suivre l’évolution de votre socle technique et partager le rapport aux bons interlocuteurs. |
| Pingdom, UptimeRobot | Vous alerte par email quand le site est down, puis up. C’est pratique si vous avez des campagnes marketing en cours (à mettre en pause si ça se prolonge un peu) et que vous n’avez pas accès à tous les échanges liés à l’astreinte, ou encore si vous avez identifié une chute de trafic, que vous cherchez à retrouver de l’historique. |
| SEOradar | Un outil spécialement conçu pour le monitoring SEO. Il m’a été soufflé par un confrère, car je ne l’ai jamais utilisé. Ses fonctionnalités sont plaisantes : il compare des pages, URL que vous lui soumettez, et vous informe si des modifications critiques sont détectés. Il enregistre 3 à 12 mois d’historique selon votre forfait (système d’abonnement). |
La mise en place d’un monitoring technique est un besoin récurrent pour toute équipe SEO. L’exercice de devoir expliquer des baisses de performances a posteriori justifie également d’investir dans un outil capable d’historiser les données, ceci afin d’être en mesure de réaliser une enquête SEO.
On peut imaginer connecter ces outils avec des moyens de communication : canaux Slack ou Discord, afin de créer un espace d’information partagé. Il faut trouver le bon dosage et niveau d’alerte, sous peine de manquer des informations importantes du fait des volumes de données collectées.
Il y a bien d’autres solutions sur le marché, mais il est difficile de toutes les connaître. Merci à mes amis-confrères SEO Baptiste et Florent pour leurs apports à cette section !
Prévenir les régressions SEO : de la communication à l’action
Les protocoles de tests automatisés sont des assurances qualité pour les produits numériques. Cependant, ils ne remplacent pas la bonne communication et la montée en compétence SEO de toutes les personnes qui interviennent sur un projet.
Vous avez rencontré une régression SEO ? Après avoir mis en place un bugfix, pensez à faire votre mini post-mortem. Demandez des détails sur la nature des modifications effectuées ayant engendré la régression SEO et comment le développeur a corrigé le problème. Ces informations enrichirons votre compréhension du fonctionnement de l’équipe produit et vous apprendront à mieux anticiper. Cherchez à toujours mieux comprendre vos interlocuteurs : leurs redevabilités, drivers et difficultés rencontrées.
Devenez le facilitateur de vos projets SEO
Pour favoriser la collaboration SEO, voici d’autres idées d’actions concrètes à mener :
- Enrichissez régulièrement le projet par de la documentation de qualité. Les profils techniques apprécient avoir facilement accès à des ressources qui leur facilitent la vie. Donnez des exemples concrets, sans toutefois dire « comment faire » (car ce n’est pas le job du SEO). En tant que référenceur, votre rôle est de vous focaliser sur l’expression du besoin, le résultat final souhaité ;
- Communiquez sur les succès SEO obtenus : cela peut sembler idiot, mais on oublie souvent à quel point certains intervenants peuvent se retrouver en bout de chaîne et ne pas avoir une vision d’ensemble ;
- Allez aux démos de l’équipe produit. Systématiquement. Ces rendez-vous vous aideront à mieux comprendre comment travaillent les équipes. De plus, vous pourrez faire évoluer vos tests SEO avec l’évolution du produit ;
- Vous êtes invité à une rétrospective ? Allez-y. C’est le moment d’échanger sur ce qui a bien ou moins bien fonctionné. Vous obtiendrez du feedback et pourrez donner le vôtre, afin d’être mieux compris.
Une maîtrise des risques SEO sur les projets complexes
L’ajout de fonctionnalités, que ce soit en front ou backend, augmente les chances de générer des bugs SEO. C’est mécanique. Ces risques sont généralement contrôlés par les équipes produit, qui effectuent les recettes fonctionnelles nécessaires. Le référenceur doit également être sollicité pour ces phases de vérification.
En privilégiant l’automatisation de tests orientés SEO, vous gagnez en sérénité, contribuez à la qualité et réduisez les coûts de maintenance. De plus vous créez un véritable lien avec les équipes. Avez-vous déjà mis en place des tests SEO automatisés ? Et si oui, quel est votre expérience ? Dites-le en commentaire !