Les liens toxiques sont des liens pointant vers votre site (backlinks) qui seraient néfastes pour le référencement SEO. Cette notion fait l’objet de controverses, à tel point que des représentants de Google se sont exprimés sur le sujet. Comment identifier les liens toxiques ? Sont-ils vraiment un problème SEO ? Faut-il les désavouer ?
Vous avez peut-être identifié que votre site Web a un « score de toxicité élevé » en matière de profil de liens. Ou bien, vous avez été démarché par une entreprise qui vous conseille de désavouer vos liens toxiques pour améliorer votre SEO. Il est légitime de s’inquiéter, mais cette démarche est-elle vraiment pertinente ? Dans cet article, je vous propose une revue de cette notion et des conseils pratiques pour votre stratégie SEO.
Qu’est-ce qu’un lien toxique ?
En référencement naturel, un « lien toxique » correspond à un lien hypertexte qui pourrait être nuisible pour le SEO parce qu’il provient d’un site de mauvaise qualité ou « spammant » pour les utilisateurs. Ces liens douteux pourraient nuire au SEO, dégradant la visibilité organique, le positionnement du site qui reçoit les liens.
Ces mauvais liens peuvent également avoir été créé lors de campagnes SEO un peu trop agressives ou placés volontairement par un concurrent. Cette pratique anti-concurrentielle, appelée negative SEO (N-SEO), a pour but de dégrader le référencement d’un site façon déloyale. Ils ont pu également être créés par des spambots.
Ce qu’on appelle liens toxiques peut enfin correspondre à des liens « artificiels » selon la documentation de Google, en référence aux pratiques SEO qui visent à manipuler les résultats. En effet, en créant ou en achetant des liens ciblés, les référenceurs ont rapidement appris à influencer le classement des moteurs de recherche.
Liens artificiels et liens naturels
Traditionnellement, Google valorise les liens dits « naturels » ou « spontanés ». Google parle des liens « artificiels » en les qualifiant de « liens toxiques ».
« Tout lien destiné à manipuler le classement dans les résultats de recherche Google peut être considéré comme un lien toxique ». Source : Google Search Central
Aussi, il ne faut pas confondre les liens de faible valeur ou qui n’ont aucune valeur avec des liens qui pourraient être nocifs ou toxiques pour le SEO. Un lien de très haute valeur SEO – et peut-être même un lien payé très cher – pourra être considéré comme toxique s’il est repéré comme un lien artificiel par Google.
La valeur SEO des liens se joue sur la popularité
Il est connu que les liens pointant vers un site participent à son référencement naturel. Google classe ses résultats de recherche en fonction de la pertinence et de l’importance des ressources qu’il connaît, cela en fonction de la requête tapée par l’internaute.
Ce système, qui prend en compte les liens du Web, a été inventé en 1998 par Larry Page, cofondateur de Google : c’est le fameux PageRank. Cet algorithme a révolutionné la recherche en ligne en améliorant de façon drastique les résultats de recherche. Rares sont les outils de recherche aujourd’hui qui ne prennent pas en compte cette notion d’importance ou de « vote » par les liens externes.
On parle de popularité pour matérialiser la probabilité qu’un internaute visite à un instant T une page Web, et c’est sur ce principe que repose la formule du PageRank. De plus, l’algorithme a fait l’objet d’améliorations notables en prenant en compte la thématique des liens et des pages ; les liens réalisés entre des pages et sites abordant la même thématique transmettent plus de popularité (« Topic Sensitive PageRank »).
Pour simplifier, on peut considérer qu’un lien qui a pas ou très peu de chances d’attirer des visiteurs vers votre site Web ne transmet pas beaucoup de popularité. Parce que le site source ne reçoit déjà pas ou peu de visiteurs, que le lien est placé hors contexte ou en bas de page, qu’il n’a rien à voir avec le sujet initial, etc.
Toxicité des liens : un concept marketing loin d’être neutre
La notion de lien toxique a été popularisée dans le domaine du SEO par des personnes qui promettent leur détection et la possibilité d’un nettoyage de liens de mauvaise qualité. Cela fait suite au déploiement du filtre anti-spam Google Penguin à partir de 2012, mais également à la multiplication de cas de pénalités SEO pour les sites utilisant des techniques de netlinking frauduleuses.
La promesse est de pouvoir se protéger d’une éventuelle pénalité SEO en détectant ces fameux mauvais liens et en les « supprimant », jouant malheureusement sur la confusion entre liens de faible qualité et liens artificiels en SEO. Vous avez sans doute déjà vu ce type d’analyse dans des outils spécialisés, même certains réputés très sérieux : calcul de score de toxicité ou de taux de spam, etc.
« Au secours, je reçois des liens toxiques »
Le fait que les outils proposent de la « detox de liens » ne m’a jamais vraiment dérangée, jusqu’au jour où des clients ont commencé à s’inquiéter, à me demander des conseils après avoir reçu un rapport de « liens toxiques ». Alors qu’ils n’avaient jamais acheté de liens ou pratiqué du netlinking virulent.
De ce fait, mon opinion sur les liens toxiques est assez tranchée : je pense que ces outils SEO jouent sur la peur, dans le but de vendre des solutions payantes, de créer une forme d’attractivité commerciale. Ces outils peuvent par ailleurs être très bien conçus en termes d’interface, pratiques à utiliser, mais la pertinence des analyses et leur efficacité est loin d’être démontrée. Le référenceur pourra néanmoins étudier les données, avec une prise de distance méthodique, afin d’identifier les situations pouvant être effectivement à risque.
Les outils SEO ne reflètent pas exactement ce que voit Google
N’oubliez pas que la condition sinequanone pour que ces outils soient efficace est la suivante : ils sont censés reproduire ce que « voit » Google, avec des moyens mille fois moindres. Au vu de la pollution et du spam sur Internet, pensez-vous vraiment que Google s’attache à prendre en compte tous les liens « pourris » et automatiques créés par des sites de spam ? Les moteurs de recherche avancés sont contraints à savoir gérer la présence du spam.
« Certains outils font des suppositions sur Google qui ne sont pas correctes » note le représentant de Google Search, John Mueller sur Twitter, propos rapportés sur Seroundtable.
Et parfois, les actions préconisées pour lutter contre les soi-disant « liens toxiques » peuvent faire plus de mal que de bien à votre site. La documentation de Google met en garde contre le désaveux des liens : « Il s’agit d’une fonctionnalité avancée qui doit être utilisée avec prudence. En cas d’utilisation incorrecte, cette fonctionnalité peut nuire aux performances de votre site dans les résultats de recherche Google ».
Faut-il désavouer les liens toxiques ?
L’outil de désaveux de liens de Google aurait vocation à disparaître, a commenté John Mueller sur Twitter. Apparemment, il ne remplit pas suffisamment son office auprès de Google Search, à savoir une déclaration manuelle des webmasters pour améliorer l’index et la qualité des résultats de recherche.
Le désaveu de liens peut être une option lorsque le site subit une pénalité manuelle de la part de Google, liée à une stratégie de backlinks agressive. Selon les préconisations officielles toujours, deux conditions doivent impérativement être remplies pour qu’il soit pertinent de désavouer vos liens toxiques : il faut que votre site soit victime d’un nombre important de liens artificiels, de mauvaise qualité ou associés à du spam et que ces liens aient engendré ou risquent d’engendrer une action manuelle à l’encontre de votre site (pénalisation SEO).
Étant donné les multiples interprétations pouvant être associées à ces recommandations, on comprend bien pourquoi autant de sociétés se sont jetés dans ce gouffre. Il existe par ailleurs divers retours d’expériences SEO communiquées autour du désaveux de liens :
- I Disavowed Every Link To My Website. Here’s What Happened par Cyrus Shepard, publié en juillet 2024 sur Zyppy.com ;
- How a site owner finally removed a disavow file with 15K+ domains, stopped continually disavowing links, and then surged back from the dead par Glen Gabe en juin 2023 sur GSQI.com.
On apprend que :
- Soit la visibilité SEO est fortement dégradée, au moins pendant un temps (semaines voir mois) ;
- Soit il ne se passe pas grand chose – dans le meilleur des cas.
C’est bien beau tout ça, mais on fait quoi concrètement ? La réponse est simple : dans la plupart des cas, vous n’avez rien à faire.
Si vous avez le moindre doute sur la démarche à adopter, demandez une évaluation précise à votre référenceur ; ce dernier doit être en capacité de vous fournir des éléments concrets sur votre profil de liens et le risque de toxicité associé. De plus, votre profil de liens peut (doit) être comparé avec celui de vos concurrents de visibilité : mettez à plat les indicateurs et regardez s’il y a de véritable incohérences de votre côté, des facteurs de risque SEO.
Ainsi, si on vous préconise de désavouer vos liens « dans le doute », de désavouer des liens régulièrement ou de désavouer des liens sans que vous ayez reçu une notification explicite de pénalisation de la part de Google : cela peut réellement causer des dommages à votre SEO.
Quelques indicateurs SEO pour évaluer la toxicité des liens
Pour contrebalancer les alertes des scores de toxicité fournies par certains outils, vous pouvez analyser d’autres indicateurs de popularité assez éprouvés dans le domaine du SEO :
- Volume de pages indexées par un site, soit son « réservoir de popularité » ;
- Trust Flow, Citation Flow, les indicateurs de Majestic SEO, qui font plutôt consensus ;
- Nombre de backlinks et de domaines référents ;
- Répartition et types d’ancres de liens ;
- etc.
Les multiples outils du marché proposent dorénavant de nouveaux indicateurs tels que des scores d’autorité d’un domaine, de popularité divers et variés (comme le Babbar Authority Score (BAS) basé sur le modèle du surfeur aléatoire raisonnable) ou l’analyse des IP.
Réussir à identifier les liens spammants
Les liens potentiellement « toxiques » ou de valeur faible voir nulle peuvent être détectés par les outils de recherche. Un seul critère n’est pas toujours excluant, mais leur cumul n’est pas bon signe :
- Le site exploite un TLD qui a été fortement spammé : *.biz ou *.info par exemple ;
- Les « exact match domains » (EMD) type :
travaux-rénovation-énergétique-pas-cher.fr
; - Le site a des pages qui proposent beaucoup de liens externes par rapport aux liens internes, ressemble potentiellement à une « ferme de liens » ;
- Le site propose un volume excessif de textes de « remplissage », peu ou pas intéressants pour un humain, mais destinés à nourrir les moteurs ;
- Le site contient beaucoup d’encarts publicitaires, voir de la publicité invasive.
Les critères excluants pour un partenariat de visibilité ou une campagne de liens, à mon sens :
- Le référencement du site est visiblement dégradé : ne remonte pas ou plus dans Google avec des mots-clés même peu concurrentiels ou liés à la « marque » ;
- Le site fait partie d’un réseau de sites (PBN), galaxie de sites satellites pour manipuler l’algorithme, systèmes de liens réciproques ou triangulaires, etc. avec de fortes chances d’être détecté comme un réseau artificiel, s’il ne l’est pas déjà – un peu tricky a détecter, mais Majestic SEO peut vous aider ;
- Le site propose énormément de liens partenaires à tel point que cela se « voit » à l’œil nu (ancres sur-optimisées, entre autres) ;
- Le site aurait un PageRank thématique qui est bizarre par rapport à son offre de contenus et de services (« adulte » ou « jeux d’argent » pour un site qui n’a rien à voir) ;
- Le site propose beaucoup trop ou presque uniquement des publi-rédactionnels, des « contenus sponsorisés » ou facilement détectables par l’œil humain comme plus promotionnels qu’informatifs – ou pire encore, du contenu qui n’a aucun sens.
Il y a bien des cas où un site peut perdre en visibilité sans pour autant être pénalisé : parce que ses signaux de qualité sont insuffisants ou qu’il a des problèmes de duplications ou similitudes de contenus, etc. Nombreux outils SEO du marché permettent de détecter ces sites sous-performants, signe que quelque chose ne va pas.
Enfin, un lien « utile » pour le référencement doit pouvoir être exploré par les robots. Méfiez-vous des vendeurs de liens qui vous proposent un publi-rédactionnel classé dans une section du site qui n’est même pas accessible à la navigation et/ou qui n’est pas indexé. C’est malheureusement une pratique commerciale assez courante, même de la part d’éditeurs qui semblent très sérieux. Ces derniers peuvent vendre ce service (parfois très cher) et évitent ainsi de « dégrader » leur propre SEO ou se mettre en risque envers Google. C’est clairement du vol si vous pensez investir dans votre SEO.
L’idéal d’une campagne naturelle de netlinking ou linkbuilding
Un véritable puriste vous fera sûrement la blague : « Si tu veux faire du référencement vraiment naturel, alors ne fais rien » 😉
Dans l’idéal, il est recommandé de privilégier des stratégies globales de communication et de promotion de marque, offres et services sur le numérique, afin de favoriser la création de liens :
- Développer les relations presse en mettant un point d’attention sur la présence des citations, des liens ;
- Avoir une stratégie de contenus suffisamment forte, avec des publications intéressantes et engageantes, pour donner envie aux utilisateurs de créer spontanément des liens vers vous ;
- Mener une politique de présence sur certains agrégateurs et fils d’information, pour les sites médias ;
- Favoriser les partages et optimiser l’incitation au clic depuis les réseaux, notamment via des fonctionnalités dédiées, les métadonnées ;
- Encourager les mentions naturelles par vos partenaires et clients ;
- Améliorer les renvois entre sites d’un même groupe, filiales ;
- Miser sur la presse professionnelle et certains annuaires spécialisés ;
- etc.
Les référenceurs très doués en netlinking sont des véritables créatifs : actions de communication événementielles, jeux concours, services ou outils en ligne, avec pour l’imagination comme seule limite.
La difficulté de la « création naturelle des liens » réside souvent sur la capacité de suivi et pilotage par les entreprises, le temps qu’elles sont disposées à y consacrer et peut-être le niveau de contrôle qu’elles veulent en avoir. Des actions hétérogènes aux résultats aléatoires qu’il peut être plus difficile à mettre en correspondance avec un budget de marketing digital, alors que l’achat de liens ou le « native advertising » est plus simple à gérer au quotidien.
Ainsi, les indicateurs de liens toxiques évalués par des bases de données indépendantes ont assez peu de chance de refléter la vision qu’a Google de votre profil de liens. Cependant, il peut être intéressant de prendre en compte ces données, avec une certaine distance, et de les mettre en relation avec d’autres indicateurs, afin de piloter votre stratégie SEO.
De plus, dans la grande majorité des cas, désavouer les liens toxiques créé généralement plus de risques SEO que cela n’en résout. Cet outil devrait être manié avec précaution – jusqu’à ce qu’il devienne officiellement obsolète et disparaisse un jour.
Si vous avez été pénalisé par Google (notification reçue), parce que vous avez sciemment mis en place des pratiques de référencement « artificielles » et que vos liens ont été détectés comme fallacieux, c’est autre chose ! Montrer patte blanche auprès de Google sera nécessaire.
Quelle est votre expérience des liens toxiques, êtes-vous d’accord ou pas du tout d’accord ? Je serais ravie d’en discuter avec vous en commentaires.